Réunion Vélib’ – Associations : le compte-rendu

Le jeudi 24 mai 2018, après de nombreuses demandes des associations, dont Paris en Selle, auprès du syndicat Autolib-Velib, et des élus de la métropole parisienne, une réunion a finalement été organisée entre Smovengo, le syndicat Velib, la Mairie de Paris et les associations Paris en Selle et MDB.

Cette réunion a été organisée par la volonté de Christophe Najdovski qui souhaite depuis de longues semaines que les associations vélo soient associées aux discussions sur Vélib’ avec l’opérateur et le syndicat. Paris en Selle et MDB saluent cette initiative et espèrent qu’un dialogue constructif continuera après cette première réunion.

En voici le compte-rendu détaillé (au format d’un compte-rendu, c’est à dire un peu brut).

Rappel des différents évènements

La manageuse de crise du syndicat Autolib Vélib’ Métropole (poste créé par la mairie de Paris dont elle détachée) explique qu’ils se sont posé la question d’ouvrir le service au 1er janvier ou d’attendre un peu compte tenu du retard colossal dans l’ouverture des stations. Le choix a été fait de commencer dès le 1er janvier pour éviter malgré tout une rupture totale du service mais cela a impliqué de recourir massivement aux batteries pour pallier le retard pris dans l’électrification des stations.

Le service a donc été minimal jusqu’à mars avec une amélioration notable liée au fait qu’il y avait un maillage plus important de stations et relativement peu de dysfonctionnements du système de batteries grâce à une énorme mobilisation du service d’entretien maintenance pour recharger chaque station. À ce moment-là on enregistrait 30 000 locations par jour soit un tiers de l’ancien système.

Mais ce schéma n’était pas tenable surtout avec l’augmentation du nombre de stations sur batterie. Un important bug intervenu le 11 avril a constitué le coup de grâce et a abouti à une situation de blocage quasi total du système.

L’état des lieux de Smovengo

Smovengo enchaîne sur un état des lieux. Le plan de crise est sorti de la phase d’urgence absolue durant laquelle le système était quasi inutilisable avec priorité au retrait des vélos bloqués. La nouvelle phase jusqu’à fin juin vise à repartir sur des bases simplifiées pour retrouver rapidement le niveau de service de la fin mars. Pas de VAE et pas de Park+ qui génèrent des problèmes additionnels.

La construction des stations continue malgré les différends avec Colas, mais seules les stations raccordées au réseau électrique seront ouvertes aux usagers, ce qui explique la présence de nombreuses stations en apparence finies mais non utilisables avec des petits barreaux qui bloquent chaque “diapason”. Au 24 mai, ils indiquent que 394 stations sont électrifiées avec la lumière du totem qui l’indique.

Les objectifs sont de retrouver avant la fin juin un niveau de 30 000 locations par jour, et surtout de faire chuter le taux d’échec pour les usagers cherchant à prendre un vélo. Sur ce point la manageuse de crise précise : ce qui compte à court terme c’est que chaque vélo présent en station puisse être emprunté, plus que le nombre de vélos/stations total disponibles, ou le nombre de voyages effectués. L’objectif est la fiabilité.


Questions des associations

Paris en Selle demande que la transparence soit faite sur les dysfonctionnements du système, condition sine qua non pour espérer rétablir une confiance minimale. Plus précisément, nos inquiétudes précises concernent un certain nombre de problèmes qui n’ont rien à voir avec les problèmes d’électrification. Nous relayons ainsi l’inquiétude de nombreux usagers quant aux capacités du système à bien fonctionner un jour.

MDB est étonné de la stratégie de com’ consistant à rencontrer les associations aussi tard et souligne que le niveau d’utilisation du service Vélib’ reste extrêmement faible. Au-delà des objectifs de moyen, MDB insiste sur les objectifs de résultats en termes de nombre de déplacements effectués : avec 50 % des stations déployées, il n’est pas normal de ne pas avoir au moins 50 % du nombre de déplacements d’avant. MDB appuie Paris en Selle sur la nécessité d’être transparent sur les dysfonctionnements.


Réponse de Smovengo

Smovengo rappelle qu’ils ne sont pas une PME mais un groupement de 4 entreprises avec une expérience très importante dans le Vélo en Libre Service (VLS). “Nous savons faire”, disent-ils. Smovengo affirme que sa force de travail est supérieure en nombre à celle de l’ancien prestataire pour le marché parisien. Néanmoins ils reconnaissent que les délais du marché Vélib’ 2 et les nécessités d’adapter leur produit au cahier des charges parisien ont abouti à lancer un produit qui n’avait pas passé la phase de test nécessaire. Ils doivent donc gérer des dysfonctionnements avec non pas un panel test mais avec des vrais clients.

3 dysfonctionnements principaux identifiés par Smovengo

1. Des dysfonctionnements informatiques notamment liés à la recharge des batteries qui fait perdre les informations horaires des locations et perdre des éléments essentiels de la data, d’où des bugs énormes pour la prise et la restitution des vélos. Ces problèmes sont en passe d’être réglés selon eux : au lieu d’aller chercher l’heure universelle pour horodater les opérations de prise/restitution des vélos (ou autres opérations), la combox des stations va aller chercher l’heure sur un serveur Smovengo, ce qui créera un décalage de quelques secondes mais au moins cela ne devrait plus provoquer de gros bugs.

2. Des dysfonctionnements mécaniques à cause de problèmes de qualité du mécanisme d’accroche du vélo aux bornettes. Ce défaut est moins un défaut de conception que d’usinage et de contrôle qualité selon eux. Ils ont commencé à limer les bornettes et pensent que cela devrait suffire, en replaçant également une vis du système de mâchoire. Ils en ont fait presque 50 % et vont généraliser cette retouche à toutes les bornettes si les tests actuellement menés sont totalement concluants. Le blocage des vélos dans les stations qui oblige à tout démonter est mécanique et non électronique. Ils reconnaissent que l’agacement des usagers qui ont tendance à bien secouer les vélos a aggravé la situation.

3. Des dysfonctionnements de réseau avec des coupures aléatoires des transmissions GSM pour la communication vélo – station [Note du 30/5 : c’est sans doute la communication station/serveur central dont parlait Smovengo, mais les explications très techniques n’étaient pas facile à suivre] qui perturbent le rendu ou la prise des vélos. Cela aboutit aussi à décharger les batteries des VBox des vélos mécaniques. Ils ont découvert ce problème plus récemment et la solution ne dépend pas que d’eux mais des opérateurs télécom dont ils présumaient la couverture parfaite à Paris. Ils affirment n’avoir pas connu ce genre de problèmes dans les autres villes et avoir décidé d’installer des cartes des 3 principaux opérateurs dans chaque vélo [Note du 30/5 : ou station, donc] pour améliorer la couverture réseau.

Sur ce dernier point, il n’a pas été présenté de solution concrète permettant de résoudre le problème, qui lui-même découle du choix technologique de Smovengo d’une communication des différents éléments de son système (et notamment l’électronique embarquée sur le vélo) via le réseau GSM.


Questions des associations

Paris en Selle souligne ensuite qu’il est urgent d’améliorer l’information aux usagers pour qu’ils perdent moins de temps. Les usagers sont prêts à accepter un service réduit à condition de savoir avec une relative certitude où il est possible de trouver un vélo qui fonctionne. En particulier, il faut mettre l’accent sur la résolution des bugs de l’appli, qui est incapable de donner le nombre véritable de vélos fonctionnels dans chaque station. Sur le terrain, Paris en Selle demande que les LED des totems, des bornettes et des VBox soient utilisées pour afficher du rouge en cas de panne, afin d’éviter aux usagers le supplice de devoir tester un à un chaque vélo.

MDB appuie ces demandes et souligne l’enjeu de la fiabilité pour que Vélib’ redevienne une option sérieuse dans l’éventail des options de mobilité. Le problème n’est pas tant que les Vélib’ ne marchent pas, mais au moins que l’on n’arrive pas sur une station en pensant que ça va marcher et en fait non. La fiabilité c’est savoir le nombre de vélos qui marchent et être sûr que si on a une info, elle est bonne pour décider de sa mobilité en confiance.


Les réponses de Smovengo

Smovengo explique qu’ils sont incapables aujourd’hui d’avoir une centralisation fiable des données sur les vélos et les places disponibles d’où les chiffres aberrants de l’appli. Ce problème est essentiellement lié au point 1 mentionné plus haut et devrait pouvoir être résolu dans des délais raisonnables. Ils sont conscients que c’est un gros problème pour l’information aux usagers.

Pas de réponse précise concernant les LED, si ce n’est nous indiquer qu’il était prévu à l’origine que la couleur des totems renseigne sur Park+ (est-ce qu’il est permis ou non par la station car toutes les stations n’ont pas vocation à le faire selon eux). Ils reconnaissent que le système de messages d’erreurs est mal fait avec trop de pictogrammes pour dire au final la même chose : ça ne marche pas.

Le syndicat précise qu’il a demandé à Smovengo de notifier quelles sont les stations électrifiées sur l’appli et de réfléchir à un mode communautaire sur le modèle de Waze où les usagers font remonter les informations. Visiblement ça n’est pas pour tout de suite.

Questions diverses

Suppressions de stations : il est précisé ce sont les mairies d’arrondissement qui choisissent l’usage de substitution des stations Vélib’ : souvent elles ont choisi des emplacements 2RM ou du stationnement payant. Une liste de toutes les stations supprimées et créées nous est promise. Il est aussi affirmé que ces suppressions sont dans la totalité des cas des déplacements et que le maillage de stations à Paris ne va pas baisser : si une station Vélib’ a disparu près de chez vous, c’est qu’une station Vélib’ a été créée ailleurs.

Prolonger les abonnés plutôt que de les rembourser : le syndicat a essayé, mais problème juridique sur les abonnés Vélib’ 1 et pas de possibilité de discriminer Vélib’ 1 et Vélib’ 2. Le taux de demande de remboursement serait de plus de 60 %, ce qui fait quand même un taux de non-recours important. MDB propose que des offres commerciales soient proposés à l’issue de la crise pour refaire venir les usagers dégoûtés.

Park+ : Smovengo croit beaucoup à ce système et pour eux les problèmes sont liés à un manque de pédagogie, d’où aussi leur volonté de réserver ce mode aux seuls abonnés et non aux usagers de passage. Pour eux, les montagnes de vélos observés à certaines stations témoignent surtout de l’énervement des usagers à cause des dysfonctionnements. Il assurent aussi que toutes les stations n’ont pas vocation à faire du Park+ si cela implique de déborder sur la piste cyclable ou la chaussée. La possibilité de mettre des pénalités aux usagers qui rendent mal leur vélo en Park+ est évoquée mais bute sur des problèmes techniques.

Paris en Selle fait part de son grand scepticisme sur la capacité de 100 % des abonnés à comprendre la complexité de la manœuvre demandée par Park+ et à être respectueux de l’espace public. L’association est également très sceptique sur les moyens de contrôler les usagers qui ne rendraient pas bien leur vélo. Nous demandons pourquoi le système a changé par rapport à des versions précédentes potentiellement plus intuitives et si Smovengo a pris en compte le retour d’expérience dans d’autres villes comme Helsinki.

Smovengo promet de revoir le système avant de le remettre et de nous y associer.

Compte-rendu rédigé par l’association Paris en Selle, qui n’a pas été revu par les autres participants à la réunion.
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