Hommes cyclistes de Melbourne, quel est votre putain de problème ?

Hommes cyclistes de Melbourne, quel est votre putain de problème ?

Traduction d’un article de Merie Polkamp, publié le 28 octobre dans le Sydney Morning Herald, qu’il nous a semblé intéressant de partager. Même si Melbourne, en Australie, c’est loin, l’expérience du sexisme subi par une femme cycliste, et de ses conséquences sur le développement du vélo comme moyen de transport, peut aussi avoir des échos jusqu’ici, à Paris.

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Crédit photo Savio Sebastian

En tant que néerlandaise, j’adore circuler à vélo. Le cyclisme est une part importante de la culture néerlandaise, et nous aimons tant faire du vélo que les Pays-Bas comptent plus de vélos que d’habitants. Le vélo est pour moi synonyme de liberté – pas de retard, d’heure de pointe, de besoin de courir, et le sensation du vent dans mes cheveux (les casques ne sont pas courants aux Pays Bas). Evidemment, la première chose que j’ai faite en arrivant à Melbourne, c’est d’acheter un vélo.

A Melbourne, le manque de pistes cyclables, combiné à une façon de conduire généralement agressive, transforme les trajets en vélo dans le trafic super chargé du centre ville en expériences peu agréables. Ce n’est donc pas surprenant que peu de gens fassent du vélo.

Une majorité d’hommes parmi les cyclistes

Ce qui m’a surpris c’est le fait que le cyclisme à Melbourne est très genré : plus de 4 cyclistes sur 5 sont des hommes. L’association du cyclisme à la virilité, comme pour le cyclisme sur route ou le VTT, est somme toute typique de Melbourne.

Se vêtir comme un cycliste professionnel (dans une combinaison aérodynamique et rembourrée) est un autre phénomène populaire et intéressant. Curieusement, aux Pays Bas, où le cyclisme n’est pas une activité particulièrement masculine, les femmes formant une faible majorité (56%) des cyclistes, le vélo de ville plus ou moins mixte est de loin le moyen de transport le plus populaire. Pour tous, quel que soit son genre.

Je n’ai d’abord pas remarqué le gender gap dans la population cycliste de Melbourne. Mais peu après avoir commencé à circuler quotidiennement dans le centre, j’ai commencé à subir les commentaires de mes homologues cyclistes. J’en ai maintenant reçu beaucoup, et malheureusement ils sont souvent très déplaisants – à l’exception d’un compliment inattendu sur la décoration de mon vélo.

Beaucoup de ces commentaires visent à modifier ma conduite à vélo, ou indiquent le sentiment d’avoir la priorité sur moi. Par exemple “Regardez à droite / Laissez moi passer miss/sal… ! Ces remarques sont souvent suivies d’un homme en colère – oui, je n’ai vu que des hommes le faire – me doublant en secouant la tête, et me lançant un regard désapprobateur au passage.

Subir le sexisme, pas seulement sur la route

Un soir, après un autre trajet frustrant à vélo, je suis tombé sur un post Facebook de Sportsbet supposément drôle, décrivant Les 5 catégories de cyclistes en Australie. Cet article m’a particulièrement frustré, car toutes les descriptions et images ne montraient que des hommes, et j’étais à ce point énervée par cette culture cycliste macho que j’ai commenté : “Les 5 catégories de cyclistes sont bien choisies, puisque nous vivons dans un monde sexiste ou, visiblement, les femmes ne font pas de vélo. Merci, Sportsbet, mais non ! “

Comme je ne commente pas souvent sur Facebook, je n’y ai plus pensé. Je n’avais en tout cas certainement pas anticipé mon réveil le lendemain avec plus de 60 notifications de réponse, la plupart écrites par des hommes, me désignant comme “salope stupide”, “connasse”, “tête de noeud” et “victime professionnelle”. Un certain Nathan proposait que je me suicide, Daniel me disait de la fermer, tandis que Pete m’informait que “le féminisme est un cancer”. 

C’est assez triste de constater que mon post, qui appelait simplement pour un peu plus de diversité, attira tant de commentaires sexistes et haineux envers les femmes. Cela montre à quel point nous avons besoin du féminisme. Les profils Facebook de ces hommes montraient qu’ils n’étaient pas des mecs bizarres ou des monstres. C’était des gens normaux, avec une famille et des amis.

Cela me décourage de constater à quel point les hommes se sentent menacés quand les femmes s’expriment. Sportsbet à résolu le problème en supprimant mon post, puisque apparemment c’est moi qui devait être censurée, plutôt que de s’occuper des individus qui proposent que je me suicide.

Les pistes cyclables de font pas tout

Je crois qu’on néglige souvent le fait que, ce qui fait que les femmes ne se sentent pas en sécurité à vélo, ce n’est pas seulement les mauvaises infrastructures cyclables, c’est aussi le harcèlement qu’elles endurent. Les cyclistes dans leur ensemble ne sont pas respectés en tant qu’usagers de la route. Ajoutez le fait d’être une femme, et vous serez encore moins respectée.

J’ai décidé de décorer mon vélo australien car les Pays Bas me manquent. C’était une façon de recréer un petit bout de la culture hollandaise, pour me sentir chez moi dans ce pays magnifique. Sans le vouloir, cela a fait de moi une militante. Certaines femmes cyclistes peuvent tenter d’échapper aux insultes en se cachant sous leur casque, mais pas question pour moi de me cacher, sur mon vélo ultra féminin.