La vélib’érézina : Paris en Selle demande plus de transparence et une juste indemnisation des usagers

La vélib’érézina : Paris en Selle demande plus de transparence et une juste indemnisation des usagers

Le consortium Smovengo a pour mission de remplacer la flotte vélib avant le 31 mars 2018. Mais le retard s’est accumulé et début février, seules 210 stations ont été ouvertes sur les 1400 prévues. Paris en Selle reçoit des torrents de messages d’usagers mécontents du retard et des bugs en série. La gestion de la crise par l’opérateur et le syndicat Lib’ (qui a en charge le service) est totalement opaque : les abonnés n’ont jamais été prévenus du retard, les associations jamais consultées, et les infos arrivent au compte-goutte. Le syndicat Lib’ a annoncé la mise en place d’un comité des usagers Vélib’ comme le réclamait Paris en Selle, et la gratuité des abonnements pour le mois de janvier. Devant une telle discontinuité du service public, Paris en Selle exige des mesures de compensation à la hauteur du préjudice subi : la gratuité des abonnements pour tous les usagers au minimum jusqu’à fin mars.

Un retard considérable 

En mai 2017, suite à un nouvel appel d’offres, Paris en émoi voyait le consortium Smovengo (la PME Smoove, les parkings Indigo, le transporteur espagnol Moventia et le fonds français spécialisé dans la mobilité Mobivia) remporter le marché Vélib pour les 15 prochaines années (un marché de 600 M€). Remplaçant le géant Decaux qui exploitait Vélib depuis son lancement il y a 10 ans, il incombait à Smovengo la lourde tâche de faire évoluer les stations et les vélos pour une mise en service de 600 stations au 1er janvier 2018. L’objectif était de déployer 1400 stations soit 22 000 vélos sur Paris et une soixantaine de communes à la fin mars.

Mais le processus, commencé en novembre, est loin d’être terminé…. Sur les 1400 stations attendues pour fin mars, seules 210 stations ont été ouvertes (voir ici). L’opérateur s’est engagé à installer 80 stations par semaine pour rattraper ce retard mais on en est encore loin. Le groupe, qui s’est expliqué à plusieurs reprises devant la presse, rencontre des problèmes techniques, notamment au niveau de l’électrification des bornes. Mais on n’en sait pas plus. Ces problèmes peuvent-ils être résolus ? A quelle échéance ?

Des bugs en série

Sans compter que, sur les réseaux sociaux et dans la boîte mail de Paris en Selle, les utilisateurs des premiers vélibs 2 ont reporté de nombreux bugs : perte d’euros crédités sur l’ancien compte, stations remplies de vélibs à selle retournée (signal civiquement utilisé par les utilisateurs pour un vélo défaillant), bugs sur l’écran d’affichage, puissance de détection de la carte vélib’ insuffisante (impossible de passer son porte-monnaie), … Et pour couronner le tout, un Service Client injoignable, apparemment sous dimensionné au dire même des télé-conseillers contactés.

On pourrait aussi parler du système de bonus ridicule indépendant de l’usager (bonification en cas de station pleine ou vide) ou l’augmentation drastique, et plus préoccupante, du tarif occasionnel à la journée :: si vous n’êtes pas abonné avec une carte reçue par la poste, il faut aller à une station équipée d’une borne CB (très peu nombreuses) et prendre un pass 1 jour à 5 €. Auparavant on pouvait prendre un ticket 24 h pour 1.70 € à n’importe quelle station…De nombreux usagers – notamment pour des trajets banlieue/Paris – déplorent également la disparition d’un abonnement pour 45 minutes.

Un manque de transparence et d’écoute 

L’accompagnement des abonnés à l’utilisation des nouveaux vélibs (vidéos, guides, …) a été très faible mais cela peut se comprendre quand la priorité c’est de … construire les stations ! La communication entre l’opérateur, le syndicat Lib’ (regroupant des élus de Paris et de 68 communes de banlieue) et les usagers a été aussi défaillante que les vélibs, avec une visibilité extrêmement réduite sur le déploiement du service à Paris, sans parler des communes de la Métropole qui sont passées à l’arrière-plan. Ni Paris en Selle, ni aucune autre association de cyclistes n’a été consultée sur la transition vers le nouveau vélib.

Des compensations tardives et encore insuffisantes 

Les membres du syndicat mixte Vélib’ Métropole ont voté mardi 9 janvier des mesures pour compenser le retard du nouveau Vélib’ :

  • Les abonnés Vélib’ bénéficieront d’un crédit de 3h offertes, pour tester sans surcoût les nouveaux Vélib’ électriques ou prolonger leur usage des vélos mécaniques.
  • Les nouveaux abonnés et abonnés qui arrivent à renouvellement en ce début d’année bénéficieront de 50 % de réduction sur leur abonnement mensuels en janvier, février et mars.
  • Les élus ont également voté un déplafonnement des minutes bonus des abonnés en 2018. Initialement, il était prévu que ces crédits (acquis en déposant des vélos dans des stations en hauteur) soient reportés uniquement jusqu’à 300 minutes.

Ces mesures ont été complétées le 19 janvier par l’annonce faite par la présidente du syndicat de rembourser intégralement le mois de janvier des 92.000 anciens abonnés et 2.400 nouveaux abonnés. Cette mesure sera financée en partie (250 000 euros) par les pénalités de retard (1M euros) que Smovengo devra payer au Syndicat.

Mais cette indemnisation est encore inadéquate car les stations ont commencé à fermer en novembre et le service a été fortement détérioré. Depuis novembre, des utilisateurs de Vélib au quotidien (vélo-taffeurs notamment) ont dû, tout en payant leur abonnement Vélib, reprendre un abonnement Navigo, acheter des tickets de métro ou un vélo ! De plus, au vu des difficultés techniques rencontrées actuellement, et du déficit de communication de Smovengo, il y a fort à parier que le service ne se rétablira pas magiquement fin janvier. Nous demandons donc une indemnisation à la hauteur du préjudice subi à l’égard de tous les abonnés, anciens comme nouveaux : la gratuité pour les mois de février et de mars.

Par ailleurs, nous nous réjouissons de l’annonce faite la semaine dernière de la création d’un comité des usagers Vélib’, comme nous le réclamions. Nous espérons que ce comité permettra d’écouter les usagers et de les informer.

Paris en Selle se mobilise 

Paris en Selle n’a pas hésité à parler d’ « accident industriel » lors de sa conférence de presse le 9 janvier. Nous restons mobilisés pour que le syndicat aille plus loin. Le rythme actuel, toujours très lent, du déploiement des nouvelles stations ne laisse rien présager de bon. Notre association a décidé de soutenir la pétition de protestation lancée sur change.org par un adhérent (plus de 2 800 signatures) afin de réclamer une juste indemnisation des usagers. N’hésitez pas à la signer ici !

Nous sommes régulièrement en contact avec la mairie de Paris et les autres responsables pour leur rappeler les demandes des cyclistes. Nous avons sollicité la présidente du syndicat “Autolib’ Vélib’ Métropole pour un entretien et nous attendons toujours sa réponse…

Mais il y a un élément positif dans tout cela : le mécontentement observé est bien la preuve que le Vélib’ est entré dans les mœurs et qu’il répond désormais à un véritable besoin des Parisiens. Or, on constate que le vélo n’est toujours pas pris au sérieux comme moyen de transport quotidien. On n’imagine pas qu’une fermeture temporaire d’une bonne partie du réseau de métro puisse être traitée avec un tel amateurisme, mais lorsqu’il s’agit « seulement » de quelques milliers de vélibeuses et vélibeurs, les responsables politiques choisissent de faire confiance sans trop de vérifications aux promesses d’un opérateur visiblement dépassé par la tâche.

Dès que nous aurons de nouvelles informations ou des projets d’actions, nous en parlerons sur notre compte Twitter et dans la communication interne avec les adhérents (si ce n’est pas déjà fait, n’hésitez pas à nous rejoindre ici pour donner encore plus de force à l’association, et venez à nos apéros, tous les 10 du mois !)